Midorikawa Ryuuji, ou un artiste explosif †

« Qui n'a plus d'espoir n'aura plus de regrets, venait-il de dire, la tête haute, le regard assassin. »

On entendit un coup de feu. Et puis plus rien.


Un garçon de dix ans jouait au football avec un autre enfant, qui semblait plus jeune que lui.

« Fais une passe ! Ouais, comme ça, parfait ! Disait-il, encourageant l'enfant qui jouait avec lui. »

L'enfant lui fit une mauvaise passe et le garçon ne put rattraper le ballon. Voyant la déception sur le visage du plus jeune, le garçon esquissa un grand sourire réconfortant et alla vers lui. Il le prit par les deux épaules et lui dit :

« Tu t'améliores ! Si tu continues comme ça, je vais devoir encore plus m'entraîner !
- Tu trouves ? Mais j'ai encore raté cette passe ! Souffla l'enfant, déçu de cette prestation.
- Si faire était aussi aisé que savoir ce qu'il est bon de faire, les chapelles seraient des églises, et les chaumières des pauvres gens des palais de princes, fit le garçon, d'un grand sourire.
- C'est de qui ? Demanda l'enfant, affichant un sourire enfantin, innocent et naïf sur sa bouille angélique.

« Shakespeare » Avait-il répondu.


Le ciel pleurait. Le vent se manifestait. Les orages grondaient. La vie était faite de gris et de noir. Pas une seule couleur ornait ce paysage moche. Peut-être. Peut-être que ce rouge pouvait être prit comme une couleur ? Sûrement. Un paysage couvert de sang était-il toujours beau à admirer ?

Deux hommes terminaient une discussion sous la pluie, tandis que les pixels autour d'eux couraient pour se réfugier bien au chaud dans leur cabane de béton.
La vie était triste. Vraiment.

La discussion finie, ils se fixèrent pendant au moins deux bonnes minutes, deux minutes qui semblèrent éternelles. Le premier homme était grand, très grand. Il avait des cheveux noirs mouillés par la pluie, collant à son visage presque parfait, presque indifférent à la vie. Le second était plus petit, il ressemblait encore à un adolescent de quinze ans. Ses cheveux blonds lui collaient aussi au visage, mais lui, contrairement à l'homme, il ressentait des émotions particulières, notamment l'inquiétude et la peur. On pouvait cependant y lire une immense haine dans ses yeux.

« Pour leurrer le monde, ressemble au monde ; ressemble à l'innocente fleur, mais sois le serpent qu'elle cache, venait de dire l'homme, gardant ce visage implacable, ce visage neutre d'émotions.
- Le mal que font les hommes vit après eux...
- Le bien est souvent enseveli avec leurs cendres, termina-t-il, coupant l'adolescent dans sa réponse, je connais les citations de Shakespeare. N'essayes pas de m'avoir, gamin. Fais et tu seras tranquille. »

Faire ? Et pourquoi devrait-il faire ce qu'on lui dit ? Était-il donc voué à rester une marionnette toute sa vie ?

Et finalement, l'adolescent craqua. Il accepta de faire ce qu'on lui disait, non, ce qu'on lui ordonnait de faire.

Un échange de simples mots, d'ordres. L'homme partait, l'adolescent se maudissait.
Courant à travers les rues, ses jambes le menèrent jusqu'à destination : une maison moderne et chaleureuse.

Il entra à l'intérieur comme si de rien n'était. Il allait être cette innocente fleur et montrer son vrai visage, montrer qu'il était un serpent.

Un brun aux yeux onyx en amende fut étonné de voir l'adolescent blond arriver trempé.

« Ryuuji, que se passe-t-il ? Tu es trempé ! S'étonna le brun, ou du moins, s'inquiétait-il pour la santé du blond.
- P'tit frère. Désolé. »


« Tsutomu Midorikawa
Repose en Paix »

Une vie grise et neutre de sentiments. Comment ces pixels peuvent-ils donc pleurer ainsi la mort de quelqu'un ? Quelqu'un qu'ils ne connaissaient même pas.

« Toutes mes condoléances, Ryuuji. Ton petit frère était vraiment quelqu'un d'exceptionnel. Mais tu ne dois pas t'en vouloir, car désormais, il repose en paix, avec tes parents, lui disait encore l'un de ces vulgaires et immondes pixels. »

Ce monde était tellement moche. Ce paysage couvert de sang ne mènerait les hommes qu'à la destruction totale de leur espèce.

Heureusement, l'art existait. L'art morbide.

Parfois, lorsqu'il était chez lui et qu'il ne se sentait pas d'humeur à être en action constante pour forger son corps d'athlète, il admirait « Sphinx », une oeuvre d'art de Takako Yamamoto. Cette oeuvre était belle. Elle était morbide. Mais belle. Et ça lui remontait le moral. Il pouvait passer des heures et des heures à l'admirer, à se poser des questions de : « Comment serait ma vie si... ? ». Sa vie n'était pas passionnante, oh non, elle n'avait vraiment rien d'extraordinaire. C'était un adolescent blond un peu distant, un peu étrange.
Mais c'était quelqu'un de gentil, quelqu'un qui souriait et qui savait réconforter les plus petits.
Ou du moins, c'est ce qu'on pensait de lui.


Il venait de sortir une arme à feu. Une vraie. Pas l'un de ces jouets qu'on vend dans les magasins pour enfants. Non, celle-ci pouvait vraiment tirer des balles qui toucheraient l'ennemi et le tueraient sur le coup.

« Tu n'es pas obligé de faire ça, tu sais, Ryuu-niichan ? Disait le plus jeune, apeuré.
- Il ne fallait pas jouer à ça avec moi, répliqua Ryuuji d'un ton cassant et froid. »

La vérité était annoncée. Plus personne ne pourra arrêter ce malheur d'arriver.


Un brun aux yeux noirs en amende. C'était lui. C'était lui qui venait de les tuer. Et devant ses yeux, à lui.

Soudain, l'enfant se tourna vers le blond, qui était plus grand que lui. Il tenait encore dans ses mains le couteau, et ne comptait pas le lâcher. Ce couteau couvert de sang était horrible à voir. Allait-il mourir dans les minutes, non, dans les secondes qui suivaient ? Qu'allait-il se passer ? Quelqu'un allait-il le sauver de cet enfer ? Mais par pitié ! Qu'on vienne l'aider !
Le couteau pleurait, comme la pluie pleurnichait.

Le sang coulait sur les corps sans vie d'un homme et d'une femme. Ses parents. Les parents des deux enfants étaient morts. Tués par le brun.

« On peut faire beaucoup avec la haine, mais encore plus avec l'amour, fit le blondinet, terrifié, alors lâches ce couteau, par pitié Tsutomu !
- On dit que le sang veut du sang, répliqua Tsutomu sur le même ton, je ne lâcherai ce couteau que quand mes mains seront imprégnés de ton sang, grand-frère.
- Au contraire, tu te trompes ! On ne lave pas du sang avec du sang, mais avec de l'eau ! P'tit frère, je connais les citations de Shakespeare par coeur, alors par pitié, lâches ce couteau ! Suppliait Ryuuji. »


Oui. Il était l'assassin de leurs parents. De leur seule famille. Comment pouvait-il lui pardonner un tel acte ? Ce jour-là, il avait même faillit mourir, tué par cet ignoble enfant !

« On peut faire beaucoup avec la haine, mais encore plus avec l'amour. Alors pardonnes-moi, grand-frère, suppliait Tsutomu.
- Ce qui commence dans le mal s'affermit par le mal. La douleur est le poison de la beauté, enchaîna le blond.
- C'est vrai, mais... Pardonner est une action plus noble et plus rare que celle de se venger, répondit le brun.
- Pardonner ? Jamais. »

Ryuuji pointa son arme à feu sur son petit frère. Le brun était apeuré. Qu'allait-il se passer ? Quelqu'un allait-il lui venir à l'aide ? Oh par pitié ! Qu'on vienne l'aider, le sauver de cette situation terrifiante !

En voyant toute la haine dans les yeux de son grand-frère, il sut qu'il ne survivrait pas.

« Une chute profonde mène souvent vers le plus grand bonheur. Je te souhaite ce bonheur, après ta chute, Ryuu-niichan.
- Qui n'a plus d'espoir n'aura plus de regrets, dit-il, la tête haute, le regard assassin. »
On entendit un coup de feu. Et puis plus rien.


La vie. Ô comme la vie l'ennuyait ! Il venait de recevoir une urgence pour le moins important.

« Encore l'un de ces riches hypocrites, prétentieux et stupides, ces vulgaires pixels qui en servent à rien qu'à anéantir les autres, marmonait-il, énervé. »

Les riches l'ennuyaient. Les pauvres l'ennuyaient. La vie était vraiment ennuyante.

Après tant d'années de souffrance, non, pardon. Cette histoire n'a plus lieu d'exister. Ryuuji est orphelin, il a malheureusement perdu ses parents et son petit-frère. Voilà. C'est tout.

« Argh ! Fichue pluie de malheur ! Râlait-il encore, tentant d'allumer une cigarette, et me voilà encore garde-du-corps d'une vieille femme riche qui possède pleins de caniches ! S'énervait-il encore. »

La vie était vraiment ennuyante. Mais qu'elle pouvait être encore plus lassante et difficile à suivre par moments !

Comme disait si bien Shakespeare : « Gémir sur un malheur passé, c'est le plus sûr moyen d'en attirer un autre » et il n'avait pas tort de ce côté là.

Ses proches lui reprochaient qu'à l'âge de vingt-cinq ans, il n'avait toujours pas de copine, mais en quoi cela pouvait-il choquer ? Car après tout, l'amour ne voit pas avec les yeux, mais avec l'âme.

« Les hommes, à de certains moments, sont maîtres de leur sort ; et si notre condition est basse, la faute n'en est pas à nos étoiles ; elle en est à nous-mêmes, murmura-t-il, Pardon p'tit frère. Pardon. »